Il y a 180 ans, le 19 juin 1843, commencèrent les travaux pour l’édification du Phare de Richard ! À cette époque, c’est la Maison Prieau de Bordeaux qui remporta l’appel d’offre sur des plans d’ingénieurs des Ponts et Chaussées, messieurs Alphonse Deschamps et Jules-François Chambrelent. Son feu fut allumé dès le mois de juin 1845 bien avant la fin du chantier en 1846.
Comme les autres marégraphes de la côte médocaine, celui de Richard est un appareil mesurant les variations de la mer, en enregistrant automatiquement les mouvements du flux et du reflux. Il est installé sur un ponton en béton, au large de Jau-Dignac-et-Loirac.
Chalazon invente le marégraphe
C’est en 1842 que l’ingénieur hydrographe Chalazon inventa le marégraphe pour la réalisation de travaux maritimes. Un marégraphe est composé d’un puits communiquant avec la mer. Un flotteur cylindrique placé dans ce puits transmet son mouvement à un stylet, grâce à des câbles et des poulies. Le stylet trace une courbe sur une feuille graduée, placée sur un tambour entraîné par le mécanisme d’une horloge de précision. Cela permet de lire directement I’heure et la hauteur de la marée. Ce genre de marégraphe est d’une grande fiabilité, à condition de bien le caler par rapport au zéro hydrographique(1).
De nombreuses utilisations
L’utilisation du marégraphe est multiple. Il indique la hauteur de la marée par rapport au zéro hydrographique. Ces données sont utiles pour la navigation des navires, le réglage des filets de pêche (il est nécessaire de connaître la hauteur d’eau lorsque l’on veut positionner le bas des filets à une certaine hauteur du fond), la construction des digues des quais et des ouvrages marins. Les données d’un marégraphe permettent également de prédire des inondations (une surcote en amont permettra de déclencher des alertes pour l’aval). Les informations procurées par les marégraphes sont aussi utilisées pour rédiger avec le plus de précision possible les annuaires de marées. Enfin, l’établissement des cartes marines avait également recours aux informations livrées par les marégraphes.
Un instrument obsolète
Comme les autres stations marégraphiques de la Gironde, celle de Richard est équipée d’un marégraphe à flotteurs et d’un potentiomètre entrainé par le système d’enregistrement du marégraphe. La tension délivrée par le potentiomètre est transformée en message codé et retransmise par radio aux capitaineries des ports ainsi qu’aux navires. Aujourd’hui, ce genre de marégraphe n’est plus utilisé. Il existe des marégraphes à pression, ainsi que des mesures des hauteurs d’eau par satellite.
(1) : Le zéro hydrographique est le niveau de référence des cartes marines et des annuaires de marées. Il est voisin du niveau des plus basses mers astronomiques. C’est-à-dire d’une marée de coefficient 120. Voir Henri Vallot, Le coefficient de marée, une spécificité française, L’estuarien n° 5, juillet 2003. (ndlr)
Si le phare de Richard commence à être bien connu des habitants du Nord-Médoc, son histoire n’en conserve pas moins quelques zones d’ombre sur son utilisation entre 1956 et 1988. Essayons de lever une partie du voile.
Au plus offrant
La construction de la tour actuelle, haute de 18 mètres, a débuté en 1843, pour un premier allumage du feu en 1845. Rapidement jugée trop petite pour satisfaire les besoins de la navigation, elle est remplacée en 1870 par une tour métallique de 31 mètres de haut. Malheureusement, les modifications du tracé du chenal de navigation et son éloignement de la rive gauche le rendent totalement inutile à partir du début des années 1950. Une commission nautique locale réunie à Bordeaux le 5 février 1953 s’étant déclarée favorable au déclassement du phare de Richard, ce dernier est entériné le 15 octobre de la même année par le ministre des travaux publics, qui décide la destruction et la vente à un ferrailleur de la tour métallique, et l’acquisition au plus offrant du domaine du phare comprenant la tour maçonnée et les logements attenants.
Une utilisation dévoyée
Une nouvelle vie commence pour le phare de Richard. Remis au service des domaines en 1956, il est vendu à un particulier. Et c’est là que les avis divergent : pour certains ce particulier est un libertin qui achète le phare, isolé, pour y organiser des parties fines ; pour d’autres, c’est un proxénète qui va s’offrir le phare pour y mettre ses filles au vert, histoire de leur refaire une santé. Tout le monde s’accorde sur le fait que cette nouvelle utilisation du phare ne plaisait pas trop aux riverains, qui s’en émurent auprès du maire, lui demandant de faire cesser ces manifestations, bucoliques certes, mais de mauvaises mœurs.
Le retour à l’ordre… moral
Sous la pression locale, et les contraintes consécutives à l’isolement du lieu, le phare va être déserté par son propriétaire et laissé à l’abandon jusqu’en 1984, date à laquelle des jeunes du village, soutenus par la municipalité, décident de restaurer le site. Cette dernière rachète le phare en 1988 et, dix ans plus tard, porte sur les fonds baptismaux l’association communale du phare de Richard qui va œuvrer sans relâche pour le transformer en ce joyau que nous pouvons admirer aujourd’hui.
Le Phare de Richard se situe sur le chemin d´Amadour! S´inspirant de la légende d´Amadour (époux de Véronique cf. Notre-Dame-de-la-fin-des-Terres – qui se serait réfugié des persécutions chrétiennes du 1er siècle sur nos côtes médocaines puis aurait évangélisé le Sud-Ouest), ce chemin, véritable pèlerinage, est un parcours de 21 randonnées allant de Soulac-sur-Mer à Rocamadour ! Pour en savoir plus sur Amadour, sa légende, les randonnées, n´hésitez pas à consulter le site : chemin-amadour.fr
Avez-vous déjà remarqué cet objet rond en bas à droite de la façade d’entrée du phare? Partiellement effacé aujourd’hui, il s’agit d’un repère de nivellement matérialisant l’altitude du phare de Richard (ici, sous la forme d’un repère de type Bourdalouë). Le repère du Phare de Richard (photo) fait parti d’un réseau de repères disséminés sur tout le territoire français métropolitain continental appelé « NGF – IGN69 » (où le « niveau zéro » est déterminé par le marégraphe de Marseille). C’est l’institut national de l’information géographique et forestière (IGN) qui en a la charge depuis 1969. Ces renseignements, s’ils présentent parfois un intérêt esthétique et patrimonial, ne sont plus d’actualité dans la plupart des cas. Pour connaître le matricule et l’altitude d’un repère de nivellement, il est indispensable de consulter sa fiche signalétique sur le site internet de l’IGN.
Lorsque vous avez visité le Phare de Richard, vous ne pouvez pas avoir oublié votre passage dans la tour et surtout son fameux escalier à vis ! N’étant pas construit dans un but touristique, son étroitesse en a surpris plus d’un ! À savoir que ce bel escalier à noyau plein a été construit en 1843, avec des pierres de taille dure des carrières de Beguey (à côté de Cadillac – 33). Allant de gauche à droite en montant, ses 63 marches (60 marches de 0,229 m et 3 marches de 0,25m) sont éclairées par 4 petites fenêtres. Vos jambes s’en souviendront mais cette ascension en vaut bien la peine : un paysage unique sur l’estuaire de la Gironde et les mattes médocaines !